Le Québec présente le projet de loi 68 permettant l’établissement de régimes de retraite à prestations cibles

Communiqué spécial – 26 octobre 2020

Le 7 octobre 2020, le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi 68, une loi visant principalement à permettre l’établissement de régimes de retraite à prestations cibles (projet de loi 68).  Le projet de
loi 68 modifie la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (LRCR) afin de permettre l’établissement de régimes de retraite à prestations cibles (RRPC) dans la province, alors que ceux-ci n’étaient auparavant autorisés que pour certaines entreprises de l’industrie des pâtes et papiers.  Ce Communiqué spécial offre un aperçu du projet de loi 68 et de son incidence potentielle chez les promoteurs de régimes de retraite du Québec.

Contexte : Régimes à prestations cibles

Les RRPC combinent à la fois les caractéristiques des régimes de retraite à prestations déterminées (PD) et celles des régimes à cotisation déterminée (CD). Comme pour un régime PD, ils offrent aux participants une rente de retraite, selon une formule prédéterminée et payable à vie. Toutefois, les RRPC diffèrent des régimes PD dans la mesure où les prestations peuvent être modifiées (à la hausse ou à la baisse) en fonction de l’évolution de la situation financière du régime. Ces modifications peuvent inclure l’ajustement des prestations si l’actif et les cotisations du régime ne sont pas suffisants pour financer les prestations cibles.

À l’instar d’un régime CD, les cotisations de l’employeur à un RRPC sont limitées à celles prévues par le régime, et les participants au régime assument les risques liés à la longévité et au rendement des placements. Toutefois, contrairement à un régime CD où les participants assument ces risques individuellement, ces risques sont assumés collectivement dans un RRPC. Ce partage des risques, ainsi que la possibilité de meilleurs rendements sur les placements et d’une réduction des frais de gestion de placements en raison d’une plus grande mise en commun des actifs, offre un avantage clé pour les participants au RRPC : des prestations de retraite attendues plus élevées que celles qui peuvent habituellement être générées dans un régime CD comportant le même niveau de cotisations fixes.

Principales mesures concernant les régimes de retraite à prestations cibles

Le projet de loi 68 établit les règles qui s’appliquent aux RRPC, notamment :

  • Déterminer les limites des cotisations patronales;
  • Permettre de réduire les prestations en raison de cotisations insuffisantes;
  • Exiger des RRPC qu’ils déterminent les cibles de prestations, les mesures de redressement pour des cotisations insuffisantes et les procédures de rétablissement des prestations qui ont été réduites;
  • L’établissement des règles visant la conversion en RRPC des régimes de retraite CD et de certains régimes de retraite interentreprises; et
  • L’exigence que, d’ici le 31 décembre 2023, les RRPC en place dans l’industrie des pâtes et papiers se conforment à la nouvelle législation sur les RRPC.

Aux fins d’acquittement des droits des participants, le projet de loi 68 permet également aux régimes PD ou aux RRPC de prévoir que le degré de solvabilité d’un régime puisse être établi selon une périodicité inférieure à l’exercice financier du régime.

Caractéristiques des régimes de retraite à prestations cibles en vertu du projet de loi 68

Le projet de loi 68 établit les caractéristiques et les exigences des RRPC de la province, notamment de limiter les cotisations des employeurs à celles prévues par le régime, l’établissement des cotisations à être versées par les employeurs et les employés et prévoit que les prestations, y compris les rentes en cours de versement, puissent être réduites en raison de cotisations insuffisantes.

Les RRPC doivent définir la cible des prestations et les mesures de redressement nécessaires en cas d’insuffisance des cotisations, ainsi que la procédure de rétablissement des prestations qui ont déjà été réduites.

Le projet de loi 68 comprend également plusieurs mesures régissant la gestion des RRPC, y compris des restrictions quant aux prestations offertes. Notamment, les RRPC ne peuvent pas prévoir :

  • Des rentes basées sur le salaire moyen du participant au cours de ses dernières années rémunérées ou sur la moyenne de leurs salaires les plus élevés au cours d’un certain nombre d’années;
  • Des augmentations de la rente d’un participant pendant sa retraite en fonction d’un indice ou d’un taux prévu au régime;
  • Des prestations conditionnelles à être octroyées à la terminaison du régime; et
  • Des avantages de retraite anticipée fondés sur le nombre d’années de travail ou de service reconnu au régime du participant.

Règles de financement

Le projet de loi 68 présente plusieurs mesures relatives au financement et à la gestion de l’actif des RRPC. Notamment, la loi exige que les RRPC incluent des dispositions claires quant à leur financement et à leur gestion, et qui ne laissent aucun pouvoir discrétionnaire au comité de retraite lorsque vient le temps de les appliquer.

Les cotisations doivent être établies selon la cible des prestations. Le passif du régime est déterminé de la même façon que pour celui d’un régime de retraite PD, mais il faut également tenir compte des rajustements de prestations découlant d’un plan de redressement, d’un plan de rétablissement ou de l’utilisation de tout excédent d’actif. Les évaluations actuarielles doivent être effectuées à la date de fin d’exercice du régime.

Des modalités précises concernant le redressement de la situation financière du régime, le rétablissement des prestations cibles (si des réductions ont été effectuées) et l’utilisation d’un excédent d’actif doivent être explicitement énoncées dans les documents du régime pour fournir des orientations au comité de retraite. Sauf exception, seuls les participants et les bénéficiaires du régime pourront bénéficier d’un excédent d’actif.

La suffisance des cotisations est déterminée distinctement pour les services postérieurs à la date de l’évaluation et pour ceux reconnus à cette date. Les mesures de redressement suivantes peuvent être utilisées :

  • augmentation des cotisations des participants;
  • augmentation des cotisations patronales, sous réserve de la cotisation maximale de l’employeur énoncée dans le texte du régime;
  • réduction de la cible des prestations; et
  • réduction des droits acquis liés au service crédité à la date d’évaluation, pour la portion de l’insuffisance qui est en lien avec le service jusqu’à la date d’évaluation.

Il est possible de combiner les mesures mentionnées ci-dessus.

Toute modification des dispositions du régime régissant les mesures de redressement n’est autorisée que si moins de 30 % des participants et des bénéficiaires du régime s’y opposent.

Autres mesures d’intérêt

Modifications relatives aux régimes déjà en place

Le projet de loi 68 présente des modifications concernant les RRPC en place dans l’industrie des pâtes et papiers au Québec et qui obligeront les RRPC établis à modifier leur structure de régime actuelle pour se conformer au nouveau cadre des RRPC, au plus tard le 31 décembre 2023. Il prévoit également des règles spécifiques régissant les RRPC et les régimes de retraite à financement salarial au sein des secteurs municipal et universitaire, tels que la limitation des cotisations patronales à 55 % du total des cotisations des employeurs et des participants prévues au régime pour toute catégorie de participants.

Le projet de loi 68 établit également des règles pour la conversion des régimes CD et certains régimes de retraite interentreprises en RRPC. Toutefois, les régimes PD ne pourront pas être convertis en RRPC. De plus, aucun régime de retraite ne peut inclure à la fois des dispositions PD et des dispositions à prestations cibles.

Le projet de loi 68 permettra aux régimes de retraite qui comprennent des dispositions CD et aux régimes volontaires d’épargne-retraite d’offrir que les rentes viagères à paiement variable proviennent de la totalité ou d’une partie des sommes que le participant au régime ou son conjoint détiennent dans un régime CD ou dans un régime volontaire d’épargne-retraite.

Incidence :

Le projet de loi 68 offre aux employeurs et aux employés du Québec une option supplémentaire d’épargne-retraite permettant un partage des risques financiers et de longévité, ainsi que les avantages potentiels découlant de la mise en commun de ces risques, tout en offrant aux employeurs une plus grande certitude en matière de coûts, semblable à un régime CD. Les RRPC offrent plusieurs avantages des régimes de retraite PD, tels qu’une prestation de retraite cible qui simplifiera les projections et la planification du revenu de retraite des participants, la possibilité de recevoir un plus grand revenu de retraite grâce à l’augmentation de l’épargne-retraite résultant de la mise en commun des risques de longévité et de placement, l’accès à d’autres options de placement et aux professionnels en gestion de placements et, possiblement, des frais de gestion moins élevés. La nature même des RRPC veut que les prestations demeurent simples afin de minimiser la volatilité de la situation financière du régime. De plus, la mise en place des RRPC permettra un nouveau départ pour les régimes et ceux-ci incluront des mesures de redressement et de rétablissement, de même que des dispositions quant à l’utilisation d’un excédent d’actif, qui seront déclenchées par des niveaux de capitalisation prédéterminés. La combinaison des dispositions du régime et des mesures correctrices maximisera la possibilité que les RRPC demeurent viables à long terme.

Ces caractéristiques peuvent s’avérer être une option attrayante pour les employés et les employeurs, en particulier par rapport aux régimes CD. Bien que les participants de régimes CD aient, en général, connu des rendements avantageux au cours des deux dernières décennies, de nombreux participants qui n’avaient pas les connaissances suffisantes en matière de placements ont peut-être pris de mauvaises décisions d’investissement entraînant une baisse de leur niveau d’épargne en prévision de la retraite. En outre, pour les retraités vivant de manière significative au-delà de leur espérance de vie, le risque de longévité mis en commun dans le cadre d’un RRPC représente une caractéristique essentielle. Dans ce contexte, les RRPC offrent une rente à vie, ce qui est tout à fait souhaitable pour un nombre important de retraités, et l’avantage supplémentaire que l’expérience favorable dans le cadre d’un RRPC se traduit par l’amélioration des prestations pour les participants, actifs et inactifs.

Plusieurs autres juridictions canadiennes, dont l’Ontario, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et l’Alberta, ont déposé un projet de loi autorisant les RRPC, mais certaines n’ont pas encore établi de mesures réglementaires décrivant les règles précises régissant ces régimes. À mesure que les règlements d’autres juridictions entrent en vigueur, la possibilité de mettre en place des régimes à prestations cibles relevant de plus d’une autorité réglementaire pourrait être envisagée.

Le présent Communiqué spécial a été préparé à titre informatif seulement et ne constitue aucunement un avis professionnel. Veuillez communiquer avec un conseiller de chez Eckler si vous avez besoin d’un avis professionnel fondé sur le contenu du présent Communiqué spécial.