L’intelligence artificielle dans le domaine des placements

Les industries et les secteurs du monde entier adoptent l’intelligence artificielle (IA) et y investissent comme jamais auparavant. Cette technologie révolutionne notre manière de travailler, de créer et d’interagir. Pour les investisseurs institutionnels et les promoteurs de régimes de retraite, elle représente à la fois un outil opérationnel et un thème d’investissement, avec une incidence sur la productivité, la prise de décision et la valeur à long terme des portefeuilles.

L’IA constitue un domaine complexe, mais crucial pour les investisseurs institutionnels. À mesure que son adoption s’accélère, il sera essentiel de comprendre les flux de capitaux, l’environnement réglementaire et les secteurs les mieux positionnés pour en bénéficier afin de tirer parti de la valeur qu’elle apporte, tout en gérant les risques sur les plans juridiques, éthiques et opérationnels.

Investissements soutenus et progrès réglementaires mitigés

En avril 2024, le gouvernement fédéral du Canada s’est engagé à verser 2,4 milliards de dollars canadiens pour soutenir le secteur de l’IA, notamment en ce qui concerne les infrastructures, l’adoption par les petites et moyennes entreprises, les entreprises en démarrage et la requalification de la main-d’œuvre. Les géants technologiques américains comme Alphabet, Amazon, Meta, Microsoft et Nvidia investissent massivement dans les puces à semi-conducteur, les centres de données et les systèmes servant à soutenir les charges de travail générées par l’IA. Le capital-risque (« venture capital ») alimente également la croissance rapide des jeunes entreprises spécialisées dans l’IA.

Graphique à barres intitulé « Dépenses d’investissement des principaux hyperscalers d’IA (Alphabet, Amazon, Meta, Microsoft) ». Il présente les dépenses en capital de 2004 à 2027, avec une progression régulière jusqu’au milieu des années 2010, puis une forte hausse à partir de 2021. Les dépenses atteignent environ 210 G$ en 2024, avec des projections d’environ 350 G$ en 2025 et plus de 450 G$ d’ici 2027.

Source : JP Morgan Guide to the Markets. Données au 30 septembre 2025. Tous les chiffres sont exprimés en dollars américains, sauf indication contraire.

Toutefois, si les investissements de capital ont été soutenus, les progrès en ce qui a trait à la réglementation ont été plus mitigés. Le Canada, premier pays à avoir lancé une stratégie nationale en matière d’IA en 2017, a depuis reculé dans les classements mondiaux relatifs à l’IA et son projet de loi sur l’intelligence artificielle et les données n’a pas été adopté.

À l’échelle mondiale, les approches réglementaires divergent. La Loi européenne sur l’intelligence artificielle (2024) impose des règles strictes fondées sur les risques, incluant des interdictions visant les applications jugées à haut risque. En revanche, au début de l’année 2025, le président Trump a signé un décret qui encourage les industries à adopter leurs propres mécanismes de contrôle et réduit les règles imposées par l’État. En l’absence d’une législation claire, le Canada risque de prendre du retard tant en matière d’innovation qu’en ce qui concerne la confiance du public. À l’heure actuelle, seuls 34 % des Canadiens font confiance à l’IA, ce qui est bien inférieur à la moyenne mondiale1.

L’IA dans les portefeuilles institutionnels

L’exposition à l’IA dans les portefeuilles institutionnels va bien au-delà des géants technologiques bien connus qui sont cotés en bourse. Alors que l’IA transforme les industries, elle offre aux investisseurs institutionnels des possibilités d’exposition à des actions cotées en bourse, des actifs réels et des marchés privés. L’écosystème élargi offre lui aussi des occasions de placement, notamment dans les entreprises qui fournissent l’infrastructure nécessaire à la gestion des charges de travail générées par l’IA, les sociétés qui exploitent des centres de données et les entreprises privées comme les entreprises en démarrage dans le domaine de l’IA.

Dans les marchés boursiers publics, plusieurs des plus grandes entreprises au monde développent des produits d’IA ou facilitent le déploiement de cette technologie. NVIDIA, dont la valeur a atteint 5 000 milliards de dollars en octobre 2025, est la plus grande entreprise mondiale sur le plan de la capitalisation boursière et la première entreprise cotée en bourse au monde à franchir ce cap. L’action de NVIDIA a augmenté de plus de 1 000 % au cours des cinq dernières années, portée par la demande pour ses puces d’intelligence artificielle. Parmi les autres grandes entreprises impliquées dans l’IA figurent Microsoft, Apple, Amazon, Meta, Broadcom, Alphabet, Tesla et Taiwan Semiconductor.

Dans le domaine des actifs réels, les charges de travail générées par l’IA stimulent la demande pour des environnements à haute densité et à forte consommation d’énergie. Le marché canadien des centres de données devrait passer de 754,6 millions de dollars en 2023 à 9,04 milliards de dollars en 2029, avec un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 10,26 %2. Les fournisseurs de services infonuagiques à très grande échelle comme Amazon et Google (Alphabet) investissent également dans la recherche sur les petits réacteurs modulaires (PRM) et envisagent le nucléaire comme source d’énergie propre à long terme pour leurs centres de données à très grande échelle.

Sur les marchés privés, les capitaux continuent d’affluer vers les entreprises en démarrage spécialisées dans l’IA. À titre d’exemple, OpenAI a levé 57,9 milliards de dollars dans le cadre de 11 tours de financement. Un financement de série F de 40 milliards de dollars mené en mars 2025 par SoftBank constitue la plus importante levée de capitaux privés de l’histoire dans le secteur de la technologie. En octobre 2025, une vente privée d’actions a porté la valeur d’OpenAI à 500 milliards de dollars, ce qui en fait la société privée affichant la plus importante valorisation au monde. Parmi les investisseurs d’OpenAI, on retrouve Microsoft, la société de capital-risque Andreessen Horowitz et plusieurs fonds souverains. Autre acteur majeur, Databricks, une société spécialisée dans les données et l’IA qui aide les entreprises à traiter de grandes quantités de données et à construire des modèles d’IA, a levé 10 milliards de dollars en capitaux propres et affiche une valorisation de 62 milliards de dollars.

La nécessité d’une approche équilibrée et disciplinée

Malgré l’enthousiasme et la valeur prometteuse des portefeuilles à long terme, si l’IA peut offrir des possibilités, elle comporte aussi des risques. L’adoption d’une approche diligente et équilibrée pour la constitution d’un portefeuille peut contribuer à atténuer ces risques. La liste ci-dessous met en évidence certains des facteurs les plus importants à prendre en compte lors de l’évaluation de placements liés à l’IA.

Le risque lié aux valorisations demeure un facteur de premier plan. Les actions de nombreuses entreprises du domaine de l’IA se négocient à des multiples élevés en raison de l’enthousiasme des investisseurs, des attentes de forte croissance et de la domination de quelques acteurs majeurs. Comme lors des précédents cycles technologiques, des valorisations excessives peuvent accroître le risque de baisse en cas de correction du marché.

Le risque lié à la concurrence vient du fait que le monde de l’IA évolue très rapidement et qu’un grand nombre de nouveaux acteurs et nouvelles technologies font leur apparition. La nature volatile de l’IA rend difficile l’identification des gagnants à long terme. À titre d’exemple, le lancement de DeepSeek, un modèle chinois peu coûteux et très performant, a bouleversé le sentiment du marché et montre la rapidité avec laquelle les chefs de file du domaine peuvent se succéder.

Le risque lié aux cycles de marché souligne l’importance du « timing ». Les rendements reposent non seulement sur le choix des bonnes entreprises, mais aussi sur la réalisation des placements au moment opportun durant le cycle de l’engouement. Les corrections de marché peuvent être brutales pour les secteurs technologiques surévalués, et l’IA ne fait pas exception. Les conditions macroéconomiques, comme les tarifs douaniers proposés, peuvent également éclipser à court terme les fondamentaux à long terme de l’IA.

Le risque lié à la rentabilité reflète le fait que la compétence technologique ne garantit pas nécessairement la création de valeur pour les investisseurs. Toutes les entreprises qui intègrent l’IA dans leur modèle d’affaires ne généreront pas forcément des bénéfices ou un avantage concurrentiel durable. Les modèles commerciaux doivent prouver qu’ils peuvent monétiser l’IA au fil du temps.

Le risque lié à l’exécution est particulièrement important dans les secteurs réglementés comme celui de la finance. La mise en œuvre de l’IA peut être complexe et nécessiter des changements importants au niveau de l’infrastructure, des opérations ou de la conformité. Les entreprises peuvent être confrontées à des défis techniques inattendus, devoir repenser certaines parties de leurs opérations, voire changer complètement de stratégie.

L’IA est un thème prometteur à long terme, mais toutes les occasions de placement ne se traduiront pas par de solides rendements. Les valorisations élevées, la rentabilité incertaine et l’évolution rapide de l’environnement concurrentiel rendent ce secteur difficile à naviguer. Comme lors des cycles précédents, même les entreprises qui proposent une solide technologie peuvent produire un rendement inférieur aux attentes si le placement est effectué au mauvais moment ou au mauvais prix. Pour les investisseurs institutionnels, une approche disciplinée s’appuyant sur les fondamentaux – et non sur les manchettes – sera essentielle pour distinguer la valeur à long terme du battage médiatique à court terme.

L’IA commence à transformer le fonctionnement des régimes de retraite et est intégrée à l’ensemble de la chaîne de valeur. Il est important de surveiller ces changements, même s’ils sont encore en pleine évolution. Les investisseurs institutionnels doivent s’efforcer de saisir les diverses possibilités de placements tout en veillant à une adoption responsable dans le cadre de leurs activités. Compte tenu de son utilisation croissante, l’intégration de l’IA dans la stratégie et les opérations nécessitera à la fois de la curiosité et de la prudence. Il est essentiel de se poser les bonnes questions dès maintenant. Un engagement précoce permettra de constituer des portefeuilles prêts pour l’avenir.

Chez Eckler, nous continuons à évaluer et à mettre en œuvre des outils d’IA qui respectent nos normes élevées en matière de sécurité, de protection de la vie privée et d’efficacité opérationnelle. Au fur et à mesure que cette technologie progresse, Eckler peut aider les investisseurs institutionnels à naviguer dans ce secteur en constante évolution.

  1. Trust, Attitudes and Use of Artificial Intelligence: A Global Study 2025, KPMG International & University of Melbourne (en anglais seulement).
  2. ENCOR Advisors, The State of Data Centres in Canada (en anglais seulement).